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Unité de Soins Intensifs Neurologiques : 1er après-midi.


Ceci est le quinzième chapitre du récit de mon AVC. Pour commencer par le début de l’histoire, c’est ici.

la cascade aux écrevisses - Guadeloupe
Allégorie : la cascade aux écrevisses
Photo personnelle – Guadeloupe – décembre 2018

Sphincter, es-tu là?

Je reste comme de longues secondes, une sorte de torpeur. Un moment au bord de l’abandon, l’envie que le temps soit suspendu pour décider.

Mais le temps presse.
Fermant les yeux, je réalise que prendre le contrôle de mes sphincters doit être plus facile que de reprendre le contrôle de sa respiration.

« Qui peut le plus, peut le moins », je dois y arriver. Cela aussi est simplement une question de volonté.

Je n’ai aucune idée de la sensation pour vous, les filles, et je pense que beaucoup de garçons comprendrons ce que je veux exprimer.

Uriner en étant dans la position allongée et une situation que l’on apprend, dés le plus jeune âge, à éviter. Un gars, ça urine debout, éventuellement assis, mais pas couché.

Il faut en général des semaines pour qu’un enfant y parvienne.

Et là, jai quelques minutes pour désapprendre. Quel beau challenge!

Je respire en pleine conscience et je cherche à ressentir la tension de mes muscles, au niveau du ventre, de la vessie. Même si c’est un effort inconscient, il ya forcément une tension musculaire, je vais la trouver, la relâcher et inverser la contraction.

Il me faudra quelques minutes pour parvenir à déclencher le « vidage ».

Un grand soulagement physique et mental : je vais éviter la sonde!

Une fois l’opération terminée, je contrôle sur les graduations: 1 litre et 500ml récupéré.
Bravo Francis: « You did it! ».

Je dépose « le dispositif médical pour homme » rempli, tel un trophée sur la chaise à côté du lit.

Je réalise que je suis épuisé par l’effort, et je ne comprend pas encore que pour longtemps, la moindre action va m’épuiser.

Quelques instants plus tard, l’infirmière revient avec un de ces encouragements infantilisant : « Ah ben c’est bien, vous avez réussi, c’est bien vidé cela! ».

Peu m’importe.

Boire un peu, enfin.

Je n’ai pas de souvenir des deux heures qui suivent, j’ai du dormir. Il est environ 19h00 lorsque je réclame à nouveau à manger.
Le service des repas est déjà passé et je n’étais visiblement pas prévu car aucun plateau ne reste pour moi.

Voilà plus de 33 heures que je n’ai rien avalé.

Plusieurs fois dans l’après midi, j’ai réclamé à boire, et l’infirmière m’a expliqué que ce n’était pas possible. On m’a humecté les lèvres et vaporiser de l’eau sur le visage, c’est franchement insuffisant.

Sonia, qui est restée à mes côtés toute l’après-midi, va demander à une infirmière si je peux avoir quelque chose.

-« On va essayer de voir si vous pouvez boire. Je vais vous chercher un Perrier. »
« Un Perrier, ah c’est cool, c’est gentil de proposer une eau gazeuse. »
L’infirmière sourit :
– « Cela n’a rien à voir avec la gentillesse, avec nos budgets c’est clairement pas pour faire plaisir. En fait, les bulles aident les personnes victimes d’AVC à boire correctement en restant allongées. Les bulles stimulent le réflexe de la déglutition et limite le risque de fausses routes ».

Va pour le Perrier.

Lorsque l’infirmière revient avec la bouteille, je tente machinalement de me relever dans le lit, ce qui me déclenche immédiatement un grand vertige.

– « hop hop hop, hop hop : vous restez allongé, vous ne devez pas du tout vous lever. Je vais vous aider pour essayer de boire, attendez une seconde. »

Je m’effondre littéralement sur le matelas, et le vertige mettra quelques minutes à s’estomper.

Puis enfin, avec l’aide de l’infirmière, je vais boire un peu, de ce délicieux Perrier. Dés que j’ai fini, une seule question se pose:

« Et sinon, pour mon plateau repas, on en est où? »


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