Ceci est le quinzième chapitre du récit de mon AVC. Pour commencer par le début de l’histoire, c’est ici.
Mis à part mon souhait de burger, j’ai une idée fixe.
Certes je suis en train de subir un thrombolyse, j’ai toujours mon côté droit paralysé, mais je pense en permanence à ce rendez-vous avec cette PME industrielle pour prendre la direction de leur projet ERP.
Ce rendez-vous est le résultat de plusieurs semaines de travail: prospection, compréhension du besoin, remise de proposition et négociation.
Je veux absolument honorer ce rendez-vous et obtenir cette mission, cela me fera du bien de développer mon activité.
En finir avec l’amertume de 2018
Ma dernière mission m’a laissé un goût amer: au bout de deux ans de pilotage d’un projet ERP mal orienté au départ – je vous épargne les détails techniques de mon métier – je me suis retrouvé flanqué d’une « consultante senior ».
Cette femme s’est révélée être un dragon toxique. Vous savez ce type de personne acide, au comportement nuisible, autoritaire et destructrice.
Pendant huit mois, elle a rendu la vie impossible à beaucoup de membres de l’équipe, j’étais en premier ligne, et, sa présence étant imposée par l’actionnaire de la PME, impossible de la faire sortir.
Tous les moyens lui furent bon pour sapper mon travail et tenter de casser mon estime et ma confiance en soi. Par exemple, elle a profité de mon absence lors du décès de ma mère pour faire invalider plusieurs décisions de cadrage que j’avais conduit les semaines précédentes.
Bref, j’ai donc pris la décision de mettre un terme à cette mission, à regret.
Même si mon choix à eu des conséquences dommageables, c’était la bonne chose à faire à ce moment là.
Mon idée fixe: assurer mon rendez-vous professionnel
Donc, au moment où je suis thrombolysé, je ne pense déjà plus à la crise de mes AVC, ma préoccupation principale: assurer mon rendez-vous de 13h30.
J’organise mentalement mon plan d’action, et je fais mon rétro-planning:
- Obtenir de repousser le rendez-vous avec le Directeur Financier vers 16h00.
- 14h30 au plus tard : repasser chez moi, prendre une douche et m’habiller.
- 15h30 départ de la maison en voiture, c’est à 20 minutes de route par l’A10, le temps de trouver et de stationner.
- 16h00 – 17h30 : focus sur le rendez-vous, et cacher au maximum que je suis hémiplégique droit.
- 17h30 -18h00: retour à la maison
- 18h30: je suis de retour à l’hôpital d’Orsay.
Je vais communiquer mon plan à Sonia, et je lui demande s’il elle pourrait m’accompagner, car « je me sens pas trop de conduire aujourd’hui ».
Mon projet s’effondre
– « Mon coeur, tu ne vas pouvoir aller à ton rendez-vous.
Je vais les appeler et leur dire ce qui t’arrive.
Tu ne feras pas cette mission, le plus important c’est que tu te reposes. »
« Tu es sûr? demande à l’infirmière si je peux sortir juste quelques heures si je suis accompagné. »
Justement, l’infirmière repasse prés de moi: j’en profite pour l’interpeller, et je formule ma demande de sortie.
– « Vous ne pouvez pas partir. Vous devez rester couché, et pour plusieurs jours. Je crois que vous ne vous rendez pas compte de ce qui se passe. Ce n’est pas anodin, et l’important pour vous là, c’est d’être vivant, et de récupérer au mieux.
Maintenant, essayez de dormir. »
Je suis à la fois abasourdi et d’accord. Dcrocher ce job constitue ma priorité du moment, mais au fond de moi, je sens que c’est mort pour cette mission.
Je suis heureux et dégoûté.
Je me sens vivant, mais prisonnier.
Je n’ai pas le choix, je n’ai pas la force, je perds ma motivation.
Alors je décide de me laisser porter, pour cette fois.
Il est près de 14h00, je regarde Sonia, ferme les yeux et relâche toute pression. Je laisse mon esprit voler d’idée en idée, je prends les émotions qui viennent, je somnole et me repose, autant que possible.
Seule, l’envie de manger me sort de temps en temps de ma douce torpeur.
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