Ceci est le quinzième chapitre du récit de mon AVC. Pour commencer par le début de l’histoire, c’est ici.
Transfert aux soins intensifs
Je quitte la salle radio où je viens de passer ma première IRM et mon lit file à vive allure dans un dédale de couloirs.
Je ne perçois plus tout ce qui se passe autour de moi, je distingue juste des silhouettes qui s’activent, dans les rares moment où je parviens encore à ouvrir les yeux.
Je suis épuisé mais je lutte activement contre l’envie de dormir.
Nous marquons un bref stop devant le sas de l’USIN, le temps d’activer le digicode, puis nous repartons.
Quelques secondes plus tard, mon charriot-lit s’arrête enfin.
J’ouvre les yeux et je vois six personnes qui s’activent autour de moi.
Une infirmière me prend à nouveau le bras gauche, retire l’aiguille pour mieux positionner un nouveau cathéter.
J’ai mal à la tête, également de façon intermittente derrière mon oeil gauche.
Je ne dis rien, je ne peux plus, et je me laisse manipuler.
Mon bras droit est recroquevillé sur lui-même et ma jambe droite est lourde.
-« Il comprend ce qui se passe? »
« Oui, oui, tu peux lui parler ».
-« Monsieur, vous avez fait des AVC. Nous allons vous soigner pour cela avec une thrombolyse.
La thrombolyse va nettoyer les caillots qui empêche votre cerveau de respirer.
Ce traitement est lourd, et demain nous referons une IRM pour vérifier que tout c’est bien passé. »
Dialogue intérieur de survie
Oui, je comprends tout. Même le non-dit.
Je comprends que la thrombolyse est risquée.
Je comprends que c’est un traitement chimique.
Je comprends surtout que c’est ce faut pour aider mon corps à ce moment là.
Les médicaments, la chimie je n’aime pas cela, viscéralement.
Alors je décide de me parler, je regarde le tuyau du cathéter et « nous » dialoguons:
« Tu vois, on est en train de te soigner. Ok, c’est un poison qu’on t’injecte. Je te comprends, moi non plus je n’aime pas cela.
Mais là, tout de suite, c’est ce dont nous avons besoin, toi et moi, pour survivre.
Alors je te demande une chose, s’il-te plaît – c’est important d’être poli avec soi-même – laisse faire, ne lutte pas contre cette substance, laisse là agir. Concentre-toi sur la protection de nos organes: reste calme.
Je te promets, dès demain, nous travaillerons à nous nettoyer de ce produit. »
Aujourd’hui, je ne parierais pas sur l’exactitude médicale de mes propos du 14 juin 2019. Pourtant, à ce moment là, ma certitude sur la gravité de ce qui arrive, mon engagement et ma volonté de vivre sont complets!.
Un tour de manège et on dort
Soudain, la douleur dans ma tête redevient insoutenable et j’ai l’impression d’être sur un manège circulaire à grande vitesse: tout tourne, je m’enfonce dans le matelas. Je râle.
« Tout va bien, je vais ajouter un calmant à votre perfusion. »
Silencieux, je continue mon tour de manège jusqu’au moment où une nausée insurmontable m’envahit. Je me retourne brutalement sur mon côté gauche.
Je m’essouffle en lâchant péniblement « Vomir ».
On me retourne, on « touche » à ma perfusion. La nausée disparait tout aussi vite qu’elle était venue et le manège ralentit.
Finalement, épuisé, je m’endors un instant.
[… trou noir …]
Les minutes sont passées, suspendues. J’entrouvre les yeux.
Toujours hémiplégique droit
« Ah oui, tu as fait des AVC et tu es à l’hôpital ». En une phrase tout me revient.
« Bon c’est pas tout cela, est-ce que tu peux bouger ton bras? »
Non, je le lève à peine. Même constat avec ma jambe droite.
Je testerais volontiers ma capacité à parler mais je suis trop faible.
Je lève les yeux, je vois le moniteur au dessus de mon lit.
Je suis seul.
[… trou noir …]
« Oui, je suis sa femme. »
« – L’ IRM … deux AVC,
… thrombolyse … plusieurs jours
… verra demain.
Vous pouvez rester vingt minutes maximum. »
Sonia est arrivée, elle s’approche.